Avenue du Trône
Entrée du roi à Paris en 1660 : le trône élevé [à l'extrémité du faubourg] Saint-Antoine, estampe, château de Versailles
C’est une vaste campagne en dehors de la ville composée de maisons, de jardins et d’établissements religieux qui, au milieu du XVIIe siècle, régnait sur le site de l’actuelle avenue du Trône. Cette zone devint la « place du Trône » lorsque Louis XIV et la reine Marie-Thérèse d’Espagne firent, en 1660, leur entrée solennelle dans Paris. Pour accueillir le couple royal à leur retour de Saint-Jean-de-Luz, une splendide architecture éphémère symbolisant le trône de France avait, pour l’occasion, été érigée dans le faubourg Saint-Antoine.
Pierre Aveline (1656-1722)
Veüe et perspective de l’Arc de Triomphe [de la place du Trône] à Paris, vers 1670, burin et eau-forte, Paris, Bibliothèque Historique de la Ville de Paris
Afin de commémorer l’entrée solennelle du roi et de la reine, Jean-Baptiste Colbert souhaita l’érection d’une porte triomphale. Il lança, à cet effet, un concours en 1669, remporté par Claude Perrault. L’architecte imagina un arc de triomphe percé de trois portes voûtées, couronné de la statue équestre du souverain. Un arc de triomphe provisoire en plâtre et en bois fut d’abord implanté sur la place du Trône, avant que le lancement des travaux ne soit symboliquement donné, le 4 août 1670, par la cérémonie de pose de la première pierre.
Jacques Rigaud (vers 1681-1754)
Vue de la Bastille de Paris, de la porte Saint-Antoine et d’une partie du faubourg, vers 1730, gravure, château de Versailles
L’arc de triomphe de Perrault devait faire pendant à l’arc de triomphe que le roi Henri II avait fait ériger à l’autre extrémité de la rue du Faubourg-Saint-Antoine, près de la forteresse de la Bastille. L’arc de triomphe d’Henri II remplaçait la vieille porte médiévale de l’Enceinte de Charles V.
Son décor sculpté comprenait, à l’origine, des statues de divinités fluviales, réalisées par Jean Goujon. En souvenir de l’Entrée solennelle de Louis XIV et de Marie-Thérèse, Gérard Van Opstal (1594-1668) exécuta en outre trois figures allégoriques et Michel Anguier (1612-1686), les statues destinées aux niches encadrant l’arcade centrale.
En 1670, l’arc de triomphe d’Henri II fut doté de deux arches latérales par l’architecte Nicolas-François Blondel, tel qu’il apparaît, vers 1730, dans l’estampe de Jacques Rigaud. Quant au monument de Perrault, sa construction débuta et s’interrompit assez rapidement. En 1716, les quelques éléments tout de même assemblés furent par ailleurs démolis. L’arc de triomphe d’Henri II, que les plans désignent comme « la [nouvelle] porte Saint-Antoine », fut détruit en 1778.
Avenue du Trône
Les guérites à colonne de la place du Trône
L’aménagement de la place du Trône n’évolua plus guère jusqu’à la construction d’une nouvelle enceinte autour de Paris, entreprise à partir de 1784 : le mur des Fermiers-Généraux. Cette muraille, qui devait optimiser la perception d’un impôt sur les marchandises entrant dans Paris, était ponctuée de passages ou barrières, destinés aux bureaux et aux logements des commis de l’octroi. Dans ce contexte, l’architecte Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806) se chargea d’ériger les bureaux d’octroi, sous la forme de petits bâtiments, que leur créateur nomma « propylées ».
En souvenir du projet de Perrault, Ledoux accorda une importance particulière à la barrière du Trône qui, avec celle de l’Étoile, célébrait les entrées royales. En 1787, il conçut ainsi deux colonnes monumentales de part et d’autre de l’entrée du cours de Vincennes, en plus des habituels pavillons d’octroi.
Ces deux colonnes monumentales s’appuient sur un piédestal servant de guérite, associées à deux pavillons identiques, autrefois reliés par des grilles. Leur fût initialement lisse ne reçut jamais le décor allégorique prévu par Ledoux, qui devait représentait les figures de La Liberté du commerce et de La Fortune publique.
Les pavillons de la Barrière du Trône (1784-1788)
De part et d’autre de l’avenue du Trône, Ledoux édifia deux pavillons pour abriter les bureaux et les logements des commis de l’Octroi. S’inspirant des modèles d’architecture antique, il imagina des combinaisons de formes géométriques simples pour chaque pavillon. Ceux-ci s’apparentent à deux bâtiments carrés en pierre de taille, présentant quatre façades symétriques couronnées d’une corniche à consoles saillantes et d’un fronton triangulaire.
Les deux édifices s’appuient sur un entresol élevé, séparé par un bandeau en fort relief. Sur les façades principales, une réserve de pierre signale l’inachèvement de la sculpture ornementale dans le tympan du fronton. A l’intersection des quatre toits, chaque pavillon est coiffé d’un attique carré, légèrement en retrait.
Le porche d’entrée du pavillon nord
La façade principale des pavillons de la Barrière du Trône est constituée d’un porche voûté en plein cintre, dont l’extrados est décoré de claveaux saillants. Au fond de l’intrados du porche, un arc en plein cintre, resserré par un mur de clôture, retombe sur la corniche de l’entresol, elle-même soutenue par deux piliers engagés de section rectangulaire et à chapiteau dorique.
Christophe Civeton (1796-1831)
Barrière du Trône, 1829, dessin, 5,5 x 8 cm, BNF, Estampes
En 1792, la place fut rebaptisée « place du Trône-Renversé » ; une guillotine s’y dressa au mois de juin 1794 où, en quelques jours seulement, maints condamnés politiques perdirent la vie.
Le décor sculpté de la colonne sud (1843-1845)
Sous le règne de Louis-Philippe, les colonnes de Ledoux furent cannelées et ornées, à leur base, de trophées d’armes, sculptés par Antoine-André Marneuf, et de figures allégoriques, appuyées sur un globe.
Du côté du cours de Vincennes, la colonne sud présente par exemple l’allégorie de La Victoire, sculptée par Antoine Desbœuf. En 1845, la plateforme supérieure des deux colonnes reçut une statue de bronze : l’une représentant Philippe Auguste, réalisée par Augustin-Alexandre Dumont, et l’autre, Saint-Louis, inventée par Antoine Étex.
Le décor d’un fronton de la guérite nord (1843)
De plan cruciforme, les guérites présentent quatre façades identiques d’une seule travée, percées en leur milieu d’une porte rectangulaire et coiffées d’un fronton. A l’est et à l’ouest, les rampants des frontons retiennent le blason de la Ville de Paris, appliqué sur la face d’un corbeau sur une feuille d’acanthe.
Ce blason représente un vaisseau à trois mâts et trois rames sur les flots, surmonté de la couronne murale à cinq tours, encadré, à dextre, d’une branche de chêne, et à senestre, d’une branche de laurier.
Au nord et au sud, les frontons contiennent une composition décorative, avec la proue d’une nef, symbole de la capitale, environnée de feuilles de chêne et de laurier.
Sous la Monarchie de juillet et le Second Empire, plusieurs projets d’aménagement de la Barrière du Trône furent envisagés : l’érection de l’éléphant initialement prévu pour la place de la Bastille, un nouvel arc de triomphe, en pendant à celui de l’Étoile, dont une maquette en grandeur réelle fut réalisé en 1862.
Musée du Petit Palais
Aimé-Jules Dalou (1838-1902)
Le Triomphe de la République, 1879, plâtre patiné, Paris, musée du Petit Palais
Dans quel contexte fut créé la place de la Nation ? Porté par la majorité royaliste à la Présidence de la République, Patrice de Mac Mahon (1808-1893) préparait la restauration de la monarchie, malgré les procédures aboutissant aux lois fondamentales de 1875, selon lesquelles la République était le gouvernement légal de la France. Le parti républicain, dirigé par Adolphe Thiers (1797-1877), sortit en outre majoritaire après les élections législatives de 1876. Sa position se renforça encore lors des élections sénatoriales de 1879, forçant Mac Mahon à la démission.
Républicain modéré, le successeur de Mac Mahon, Jules Grévy (1807-1891), proposa de réviser la Constitution, afin d’amoindrir les prérogatives du Président au profit des deux chambres et d’un régime parlementaire. La nouvelle Constitution intégra par ailleurs deux mesures visant à pérenniser les symboles de la République : la commémoration de la Prise de la Bastille, le 14 juillet, et le choix de La Marseillaise comme hymne national. Le palais de l’Élysée devint désormais la résidence officielle de la présidence de la République.
La Ville de Paris décida alors de dédier une place à la République et lança un concours pour la conception d’un monument, remporté par les frères Léopold et François-Charles Morice. Classé en seconde position, le projet novateur d’Aimé-Jules Dalou retint toutefois l’attention des édiles de la capitale, qui commandèrent sa réalisation en bronze pour la place qu’ils consacrèrent, à l’occasion de la fête nationale du 14 juillet 1880, à la Nation.
Aimé-Jules Dalou
Le Triomphe de la République, 1879-99, bronze, Paris, place de la Nation
Reprenant l’iconographie classique du « cortège triomphal », le sculpteur Dalou suggéra « l’élan qui entraîne l’humanité vers un nouvel âge d’or ». Conformément au thème, il remplaça les allégories traditionnelles et les dieux et déesses de la mythologie gréco-romaine par les figures symboliques nourrissant l’idéal républicain.
Aimé-Jules Dalou
Le Triomphe de la République (détail : La République), Paris, musée du Petit Palais
La République se tient debout sur le char de la Nation, tiré par des lions, représentant la Force populaire, guidés par le Génie de la Liberté. Elle pose le pied sur un globe que recouvrent des feuilles de chêne et de laurier, symboles de justice et de paix.
L’ondulation des plis de sa tunique lui confère légèreté et élégance. Ceinte d’une écharpe de commandement et la poitrine en partie découverte, elle porte le bonnet phrygien et tient d’une main un faisceau de licteurs, en allusion à la République « une et indivisible ».
Aimé-Jules Dalou
Le Triomphe de la République (détail : La Justice), 1879, Paris, musée du Petit Palais
Par le sens du mouvement et le réalisme accordé aux personnages, Dalou renouvelle les conventions de la sculpture commémorative. La figure du Travail est symbolisée par un forgeron ; celle de La Justice est précédée d’un enfant (L’Équité) portant la balance dans ses bras. Ces deux figures encadrent le char portant la République en triomphe.
Place de la Nation
Paris. – Place de la Nation – Le Triomphe de la République
Un monument provisoire en plâtre peint fut inauguré à l’occasion des fêtes du centenaire de la République, en 1889. La version définitive en bronze fut inaugurée dix ans plus tard, le 19 décembre 1899.
Un grand bassin circulaire et une large plate-bande plantée d’arbres environnaient le Triomphe de la République de Dalou. En 1908, on installa des monstres marins crachant des jets d’eau vers le groupe monumental, réalisés par le sculpteur animalier Georges Gardet (1863-1891). Ce bestiaire fut retiré et fondu pendant la Seconde guerre mondiale. Le bassin initial disparut lors de la construction de la première ligne du RER, qui passe sous la place de la Nation.
Aimé-Jules Dalou (1838-1902)
Le Triomphe de la République (détail : La Paix), 1879-99, bronze, Paris, place de la Nation
Derrière le char, la figure de La Paix répand les fruits de l’abondance sur le passage du char de la République.
Aimé-Jules Dalou (1838-1902)
Le Triomphe de la République (détail : Enfant à la corne d’abondance : La Richesse), 1879-99, bronze, Paris, place de la Nation
En dehors de l’enfant symbolisant L’Équité, deux autres enfants représentent L’Instruction (portant un livre) et La Richesse (s’emparant d’une corne d’abondance).
La Richesse
Le bel enfant personnifiant La Richesse porte les cheveux mi-longs qui tombent ne cascade, alors qu’il s’efforce de ramener vers lui une corne d’abondance déversant ses fruits.